« Notre relation est fusionnelle » : entretien avec Lilou Niang, bénéficiaire d’un chien d’assistance en formation chez Cyno-Sens

Après avoir été danseuse contemporaine à haut niveau pendant des années, Lilou Niang a effectué une reconversion professionnelle et travaille désormais en maroquinerie de luxe dans un atelier de Louis Vuitton. La trentenaire, concernée par un trouble autistique et atteinte de problèmes de santé, partage sa vie avec un chien d’assistance qu’elle forme avec l’appui de l’association Cyno-Sens. Sur les réseaux sociaux, la jeune femme partage régulièrement leur quotidien et sensibilise les internautes sur le handicap invisible ainsi que le bien-être animal. L’équipe d’YLG est partie à sa rencontre.

Pourquoi as-tu ressenti le besoin de prendre un chien d’assistance ?

À la fin de mes études au Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse à Paris, j’ai intégré la compagnie de Jean-Claude Gallotta. Avec les tournées, le mode de vie était intense. J’adorais mon métier, mais j’étais complètement perdue, car les adresses changeaient régulièrement. Parfois, je me réveillais en ne sachant plus dans quelle ville je me trouvais. Je n’avais aucune routine, et j’ai vécu dans l’angoisse pendant toute la première année.

En raison de mon trouble autistique, ma neuropsy m’a recommandé de prendre un chien pour m’aider à compartimenter les journées et retrouver un rythme stable. Au début, j’ai vécu avec des Spitz – dont plusieurs étaient issus de sauvetage –, qui étaient uniquement des chiens de compagnie. Réservée de nature, ils m’ont aidée à m’ouvrir aux autres et à prendre la parole en public. 

J’ai toujours eu des soucis de santé, mais ils se sont intensifiés il y a 2 ans. J’ai arrêté ma carrière de danseuse et effectué une reconversion professionnelle avec les Compagnons du devoir. La médecine du travail m’a alors intégrée dans le processus de chien d’assistance.

Comment Octave, chien d’assistance en formation chez Cyno-Sens, est-il entré dans ta vie ?

Je me suis tournée vers un élevage belge que l’on m’a recommandé. Même si j’ai vécu avec des Spitz, je suis allergique au poil de chien (comme quoi, c’est possible !). La première règle était de choisir une race hypoallergénique.

De plus, l’animal devait être suffisamment grand pour effectuer des tâches d’assistance précises, mais aussi actif pour partager mes activités physiques. Ainsi, le Caniche Royal semblait me correspondre.

L’éleveur, qui sélectionne minutieusement les familles de ses petits protégés, m’a posé de nombreuses questions pour en apprendre davantage sur moi-même, mais aussi sur l’association Cyno-Sens. Une fois le projet validé, il m’a présenté Octave. J’ai pu le rencontrer vers l’âge de 2 mois et demi. 

C’est en septembre 2022 qu’il m’a officiellement rejoint. J’ai commencé progressivement les exercices avec son éducateur canin. Octave m’a accompagnée tout au long de ma reconversion professionnelle.

Le point positif ? Il apprend très vite ! Non seulement le Caniche est un chien intelligent, mais il a aussi un besoin énergétique énorme. Particulièrement sensible et observateur, il convient d’avoir une main ferme dans un gant de velours. 

Obéissant et à l’écoute, Octave est également un chien très joueur et qui n’a peur de rien. Un vrai fonceur ! [Rires.]

Que t’apporte-t-il au quotidien et comment décris-tu votre relation ?

Notre relation est fusionnelle, mais c’est important qu’il garde une certaine indépendance vis-à-vis de moi pour être un chien équilibré. Apprendre à être indépendants nous rend plus forts.

Depuis son arrivée dans ma vie, Octave m’a apporté de la stabilité, du rythme et un grand soutien. Certaines épreuves sont difficiles à traverser. J’ai découvert que le fait de sortir son animal de compagnie, de marcher dans la nature et de se dépenser avec lui nous maintient debout et nous aide à avancer.

Enfin, il faut savoir que les journées de travail peuvent être très prenantes, raison pour laquelle la formation proposée par Cyno-Sens dure longtemps. Pour moi, c’est très important que le chien soit éduqué dans de bonnes conditions, soit bien traité, et qu’il aime travailler. Pour information, Octave est le premier chien d’assistance à venir dans l’atelier de Louis Vuitton !

Comment se composent les journées d’un chien d’assistance en formation chez Cyno-Sens, comme Octave ? Qu’apprend-il concrètement ?

Il y a un tronc commun pour tous les bénéficiaires, axé sur l’éducation du chien et les commandes basiques, telles que la marche en laisse, le maintien des positions ou encore la sociabilisation.

Ensuite, l’association Cyno-Sens propose un cursus spécifique pour chaque chien en fonction de la maladie ou du handicap de son humain. Des animaux vont prévenir des crises d’épilepsie, détecter du diabète, accompagner des personnes autistes ou déficientes visuelles… Chaque chien apprend des tâches bien particulières.

Par exemple, nous allons bientôt travailler un exercice de mobilité avec Octave. Si je tombe par terre, il pourra m’aider à me relever grâce à une poignée située sur son harnais. Par ailleurs, il a très vite appris l’alerte médicale, un apprentissage que nous continuons de renforcer. Pour la petite anecdote, j’ai eu un souci au cœur. Octave a commencé à avoir des réactions inattendues avant que je sache ce qu’il se passe : il a détecté un AIT (accident ischémique transitoire).

Globalement, nous faisons des exercices au quotidien, qui durent en moyenne 5 minutes et que nous répartissons dans la journée. Nous suivons également des cours d’une heure, mais durant lesquels il y a des pauses.

Je commence et termine toujours les révisions par une séance de jeu, afin d’en faire une expérience positive pour lui. Je me sers beaucoup du corps pour lui apprendre des choses, car les chiens retiennent facilement grâce au mimétisme.

Pourquoi as-tu choisi l’association Cyno-Sens ? 

J’aime la démarche, et le fait que le chien ne soit pas au nom de l’organisme, mais au nôtre. Le lien avec l’animal est plus fort. Octave, qui grandit à mes côtés, a pu s’adapter à mon mode et mon environnement de vie dès son plus jeune âge.

De plus, j’ai choisi de me tourner vers Cyno-Sens, car elle permet aux bénéficiaires d’être acteurs de la formation de leur chien guide ou d’assistance. Parfois, c’est très dur, donc il faut savoir encaisser. 

En suivant ce cursus, je montre aux gens que c’est possible de former son chien en étant accompagné par des éducateurs qualifiés. Cela me plaît de participer à l’apprentissage d’Octave, et de nouer une relation unique avec lui. Il n’est pas perçu comme un simple « outil de travail », et ne me quittera pas. Pour moi, c’était impossible qu’il parte à la retraite dans un autre foyer.

Tu es très active sur les réseaux sociaux ! Quel contenu as-tu l’habitude de publier ? 

Au départ, je montrais aux internautes la vie en tournée avec un chien. Je donnais des astuces pour voyager avec lui, tout en conseillant des accessoires. De nombreux abonnés ont sauté le cap en adoptant un chien, car ils se sont rendu compte que c’était possible de partir en vacances avec son animal de compagnie ou d’en accueillir un sans forcément posséder de jardin.

Aujourd’hui, le contenu que je publie sur les réseaux sociaux a évolué. Quand Octave a rejoint ma famille, j’ai commencé à sensibiliser le public sur le handicap invisible. De même, j’explique aux gens l’attitude à avoir quand ils croisent un chien d’assistance en formation.

Aussi, je montre avec bienveillance les difficultés qu’un bénéficiaire peut rencontrer. Je veux également démontrer qu’un animal peut nous aider à développer des compétences, à améliorer notre communication, à rencontrer des amis, voire même à trouver un travail. C’est important de rappeler que les chiens ne sont pas des accessoires, mais des êtres vivants qui changent notre vie. 

As-tu une anecdote marquante en lien avec la formation d’Octave ?

Avant, j’avais peur des grands chiens. Je pouvais traverser la rue quand j’en voyais un pour ne pas le croiser. J’ai toujours aimé les animaux, mais je ressentais une vive appréhension en présence de canidés imposants. Avec Octave, j’ai commencé à en fréquenter de plus en plus et j’ai appris à ne plus les craindre. Il m’a réconciliée avec les grands chiens ; cette peur est aujourd’hui complètement guérie !

Je tiens également à préciser que, grâce à lui, le regard des gens a changé. Je suis passée d’un handicap invisible – que j’ai essayé de camoufler pendant des années – à un handicap visible. Cela a été un véritable tournant dans ma vie. Je suis ravie de sensibiliser sur le sujet, de promouvoir la démarche de l’association Cyno-Sens et de montrer que l’aide animale demeure possible dans de bonnes conditions.

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